jeudi 10 août 2017 | By: Morgane Stankiewiez

Ecrire à plein temps - Retour d'Experience



Jevous en avais parlé il y a un bon moment déjà, mais j’avais comme projet de me consacrer uniquement à l’écriture pendant un ou deux ans, afin de produire davantage de manuscrits que me le permettais mon travail et ainsi espérer pouvoir un jour vivre de ma passion.

J’ai ainsi quitté mon entreprise il y a quatre mois et j’aimerais vous parler de mon expérience, des difficultés d’écrire à plein temps, mais aussi des bienfaits que cela peut apporter.

Comme dirait Britbrit : you gonna work bitch
 Tout d’abord, cela m’a permis en trois mois à peine d’écrire mon texte le plus long et le plus abouti d’un point de vue littéraire, même s’il sera vraisemblablement le plus clivant. Les jours de travail (je me retiens d’écrire les week-ends pour garder une hygiène de vie correcte), j’ai écrit au minimum 2000 mots par jour, ce qui ne semble pas spécialement compliqué dit comme ça, mais qui sur le long terme demande pas mal de motivation.

Et la motivation, voilà le souci premier. Se mettre, chaque jour, devant sa fenêtre Word pour avancer le texte, que l’envie soit là ou non, demande une discipline constante. Je n’ai jamais été très doué en autodiscipline, mais j’ai dû me forcer malgré tout, pour toujours écrire le minimum. Les réseaux sociaux peuvent vite se montrer tentants alors, non pas parce qu’il s’y passe des choses intéressantes, mais justement parce qu’il ne s’y passe rien et que le cerveau aime bien le vide, plutôt que de travailler. Heureusement, je m’étais déjà testé par le passé, en prenant des semaines de congé par-ci par-là, uniquement pour écrire, et je savais que je pouvais m’y mettre malgré tout. Mais se forcer tous les matins pendant des années, voilà qui va me demander beaucoup d’autodiscipline, mot que je honnis.

Autre souci, écrire, c’est bien beau, mais la répétition des tâches peut lasser. En effet, les trois premiers mois je n’ai fait que cela (en termes de travail j’entends, que je n’ai pas laissé empiété sur ma vie perso). Maintenant, je commence à alterner entre relectures et écriture, ce qui change un peu le rythme, mais faire la même activité tous les jours est un défi pour moi. C’est justement une des raisons qui m’a poussé à quitter mon job. Heureusement, les textes varient et je ne m’enferme pas dans un seul genre, car j’aurai bien du mal à écrire sur les mêmes sujet jour après jour. Bon, et je vous avoue que je suis aussi en train de travailler sur un projet d’entreprise en même temps, ce qui me permet de me diversifier. Je vous en reparle très bientôt !

Lui, il n'atteindra pas ses 2000 mots journaliers...
L’autre défi, c’est le temps. Car si je veux un jour pouvoir vivre de ma plume, il me faut beaucoup de textes publiés, ainsi que plusieurs sorties par an. Or, écrire prend du temps, tout comme corriger, d’abord seul, puis les corrections éditoriales. Et là encore, un projet d’entreprise pendant le même temps demande beaucoup de flexibilité. Du coup, je n’ai jamais vraiment le temps de souffler, mon retroplanning est plus chargé qu’il ne l’a jamais été quand je travaillais, et ce sur un horizon d’un an à ce jour.

Je ne peux pas non plus compter sur du soutien. Je me suis fait une de mes meilleures amies dans mon ancien bagne, comme nous l’appelions, et cela aide beaucoup. Pouvoir parler et communiquer (avec les bonnes personnes) est important, on ne s’en rend pas compte, et cela n’est pas possible lorsque l’on travaille de chez soi (je ne me vois pas payer pour du coworking, alors que j’ai toute la place chez moi). On voit aussi que les contraintes migrent de l’extérieur vers l’intérieur : je suis seul la majeure partie de la semaine et m’imposer une routine n’est pas toujours facile. Je me lève en même temps que mon épouse (mot auquel je me fais tout doucement, le mariage encore frais) le matin, pour ne pas vivre trop en décalé, et j’essaye d’arrêter le travail un peu avant qu’elle ne rentre, mais là encore, cela demande de la motivation et de la discipline.

Donc voilà, travailler seul à ses projets à temps plein n’est pas facile. Cela ressemble beaucoup à la vie d’un entrepreneur au final (mot qui me sera très adapté sous peu) et je ne suis pas certain que ce soit pour tout le monde. Je pourrais bien sûr y aller plus doucement, ne pas autant me mettre la pression, mais ce serait du gâchis : voilà des années que j’attends l’opportunité d’écrire à temps plein et il est hors de question que j’aborde cela comme des simili-vacances. Je le voulais, je l’ai eu et je compte bien en profiter.

Si les défis sont bien présents, l’idée même de retourner dans le monde du travail aujourd’hui m’emplie, si ce n’est d’effroi, du moins d’un ennui sans faille. Comment s’intéresser, en effet, au chiffre d’affaires d’un grand groupe, quand on crée soi-même des univers et des personnages ? Comment reprendre le métro, pour aller s’enfermer tous les jours et produire de la richesse pour des actionnaires blindés de fric, alors qu’on fait de l’art ?

Qui a envie de donner son temps à des gusses pareils ?
Il y a, dans le fait d’écrire chez soi, pour soi, sans contraintes externes, l’impression de ne pas perdre son temps. Le temps est la chose la plus précieuse dont un être humain dispose et l’utiliser pour l’art donne du sens, un but, ce que le monde de l’entreprise n’a jamais su m’offrir.

Car ce bouquin, que j’ai mis trois mois à écrire et qui mérite encore des relectures, j’ai beau avoir souffert pour le mettre au monde, je sais que je n’aurais pas pu l’écrire dans ma vie d’avant, et cela n’a pas de prix.

Aujourd’hui, j’ignore si je pourrai un jour vivre de mon art. Je considère, dans mes projections, que j’ai 5% de chances d’y parvenir. En revanche, je sais que pendant encore deux ans, je vivrai pour mon art, ce qui vaut la peine de tenter sa chance, aussi tenue soit-elle !